Masque
Dans le monde profane on peut porter des masques dans des buts bien différents.
Se masquer pour prendre une autre identité. Masques de carnaval pour échapper, un bref moment, à la banalité du quotidien... Masques de la tragédie grecque qui permettaient aux acteurs de se couler dans la peau d'êtres complètement différents d'eux... Masques africains portés lors des cérémonies rituelles au cours desquelles n'importe quel membre de la tribu ne porte pas n'importe quel masque.
Se masquer pour se déguiser. Le simple fait de masquer ses traits est une manière de déguiser sa personnalité. Le masque empêche de capter le jeu de toutes ces petites rides qui décèlent notre caractère. Avec lui, même nos yeux ne jouent plus le rôle de "fenêtres de l'âme"; ce ne sont plus que deux fentes qui voient mais ne se laissent plus voir.
Se masquer pour se protéger et pour protéger autrui. La mise en retrait obligée par le port du masque nous protège comme elle protège celui qui nous fait face.
Se masquer pour se cacher dans le même sens que les enfants lorsqu'ils jouent, c'est-à-dire : disparaître complètement à la vue de l'autre, se retirer en un lieu secret dans le but d'en ressortir non pas "autre" mais, à chaque fois, un plus vrai.
Se masquer devient alors une étape qui va nous permettre de nous révéler. Cacher les manifestations des émotions, des sentiments, c'est un peu une manière de faire le silence en soi. S'enfoncer en-deçà de l'apparence, c'est chercher ce qu'il y a d'essentiel en nous. Le port symbolique du masque est donc un moyen pour nous de nous libérer, d'accéder à un état intérieur propice à notre recherche. Il est également la marque de l'énigme dont nous ne viendrons jamais à bout, celle de notre microcosme, du macrocosme, de leur indication, de leur cause et de leur finalité. Masque, sombre papillon posé sur nous tel un trou noir, fascinant mystère à décrypter.
(Jouin : Le soliste)